Identité numérique : c’est pour mieux te croquer mon enfant !


Les promesses n’engagent que ceux qui les croient

Depuis plusieurs années, l’Union Européenne avance lentement mais sûrement vers ce qui s’appelle la création d’un portefeuille d’identité numérique européen. Au-delà des négociations, des commissions et des procédures (et du lobbying de la Big Tech, aussi), l’objectif à terme est simple : un dispositif permettant une authentification et une signature numérique reconnue par les autorités.
Mais pas seulement : il s’agit aussi de stocker de façon dématérialisée son passeport, son permis de conduire, ses diplômes, ou encore une ordonnance médicale qui serait valable dans différents pays. On nous promet monts et merveilles : simplicité, contrôle de nos données, respect de la vie privée…
Et aucun média n’aborde ce sujet avec un traitement de fond : c’est probablement trop compliqué pour la ménagère de moins de 50 ans.
Mais on comprend très bien les dérives qui se profilent derrière ces promesses mirobolantes…

Vers la fin de l’anonymat en ligne et la monnaie numérique

Imaginez : vous êtes de passage dans une petite ville. Vous vous arrêtez prendre un café et vous engagez la conversation. Au moment de partir vous vous apercevez que vos propos ont été enregistrés et que vous devez donner votre identité. C’est exactement ce qui se profile derrière les services d’identité numérique. En effet, l’objectif est de permettre aux citoyens européens « de s’identifier et de s’authentifier en ligne sans avoir à recourir à des fournisseurs commerciaux« . Traduction : quand vous irez sur X-Twitter ou sur Facebook, vous vous identifierez avec votre identifiant numérique officiel, et tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous. Mais les ambitions du dispositif d’identité digitale vont bien plus loin. Préparer l’arrivée de l’euro digital a dès le début fait partie des objectifs de ce projet : « L’identification électronique sécurisée… [devrait].. offrir davantage de souplesse et de solutions au secteur des services financiers… pour permettre… le respect...d’exigences en matière d’authentification forte… dans le domaine des services de paiement « . Une véritable révolution, sans que nous soyons consultés, avec toutes les possibilités de surveillance et de contrôle que cela implique. Mais rassurez-vous, c’est un processus démocratique…

En ligne de mire : le marquage numérique individuel

En dépit des promesses de sécurité maximale, la même vulnérabilité demeure : perdre ou se faire voler le support numérique d’identité. Et les risque qui lui sont associés explosent. Là où, hier, une ultime interaction humaine pouvait peut-être prévenir une usurpation d’identité, la fluidité des transactions, qui est l’intérêt même du numérique, la rend impossible. Toute la sécurité du dispositif numérique en lui-même ne va tenir qu’au fait que l’utilisateur (pas le citoyen) a bien caché son mot de passe… Et il en portera la responsabilité.
Avec un éloignement toujours plus important du contact avec les services publics, on imagine la difficulté qu’il y aura à prouver une usurpation d’identité, faire corriger une erreur d’état civil, renouveler un portefeuille perdu ou volé.
Et après quelques scandales retentissants, la solution s’imposera d’elle-même : identification biométrique (empreinte digitale ou rétinienne, reconnaissance faciale), ou même « numérique sous la peau ». Un autre beau marché juteux pour la Big Tech.

Exclusion sociale et dérive autoritaire

Les porteurs du projet insistent sur le libre choix des citoyens de détenir un portefeuille d’identité numérique. Mais on imagine sans peine, après le Covid, la pression sociale qui nous sera appliquée pour que nous décidions « librement » de l’adopter.Lors de la discussion d’une mesure, il est d’usage d’anticiper la possibilité de l’usage qui pourrait en être fait par un régime autoritaire. Tout bon sens semble avoir été écarté ici, mais pouvait-il en être autrement ? Paresse, incompétence, voire même malhonnêteté ? Toute prudence a été oubliée pour se ruer vers cet âge d’or si tant de fois promis, et dont l’éclat s’est si souvent avéré être celui du miroir aux alouettes…

T.B

ReGard Citoyen N° 10 – Mardi 05 Mars 2024

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