Système de Santé : Jours Heureux et lendemains qui déchantent


Le système de santé de la France est un système unique au monde.

Financée par les cotisations des salariés et des employeurs, la Sécurité Sociale – ni assurance privée, ni organisme public – couvre le risque santé à travers sa fameuse branche santé, l’Assurance Maladie. Un système édifié en 1945, au sortir de la guerre, à partir du programme du Conseil National de la Résistance, « Les Jours Heureux ».

Mais l’équilibre financier du système est précaire.

Fondé sur l’emploi, il a commencé à se dégrader dans les années 70 avec l’apparition du chômage. En 1967, Georges Pompidou disait : « Si un jour on atteint les 500 000 chômeurs en France, ça sera la révolution ». En 2023, 5,3 millions de personnes sont inscrites à Pôle Emploi…

Vertige des chiffres et orthodoxie libérale.

En 2022, un budget de 570 milliards € dont 220 pour la branche maladie, plus que le budget de la nation (450 milliards) ! Et un déficit 40 milliards, dont 30 pour la branche maladie. Un déficit qui s’accumule d’année en année plus vite que ce que nous le remboursons : une prévision de 400 milliards cumulés à fin 2023, dont environ 2/3 ont déjà été remboursés.

Une histoire intéressante, le financement du déficit de la Sécurité Sociale. En effet, il y avait traditionnellement deux sources de financement de ce déficit : augmenter les cotisations, et recourir à l’emprunt auprès de la Caisse des Dépôts et Consignation, organisme public de financement.

Mais en 1996, il était décidé que désormais la Sécu financerait son déficit via la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale), elle-même financée par… nous, via la Contribution au Remboursement de la Dette Sociale – regardez votre feuille de paie. Un beau tour de passe-passe pour se conformer à l’orthodoxie libérale : d’abord la Sécu « transfère » son déficit à la CADES, puis la CADES emprunte le montant correspondant sur les marchés financiers.

Résultat : le déficit de la Sécu est désormais financé par les marchés internationaux. Le taux d’intérêt de ce financement est décidé en fonction de l’évaluation par « le marché » de la qualité de cette dette, en fait une note attribuée par une de ces fameuses agences de notation dont vous avez peut-être déjà entendu parler : ce sont les agences Moody’s et Fitch. Voilà comment le taux de remboursement de vos antibiotiques est lié aux fluctuations du marché. Le monde est petit, n’est-ce pas ?

Les délices de la régulation systémique.

Alors, il faut réguler le système : fermeture de 80 000 lits au cours des 20 dernières années, y compris pendant la crise du Covid, alors que la population française a augmenté et vieilli ; baisse de 10% du nombre de généralistes au cours des 10 dernières années ; augmentation de la part non remboursable des soins. Et partout la mise en concurrence : médecine de ville contre hôpital, hôpital public contre hôpital privé…

Face à ce rouleau compresseur, il est à craindre que les politiques, les plans, les projets de santé publique ne pèsent plus grand-chose. Quelques ajustements marginaux qui doivent se compenser les uns les autres pour rester dans l’épure de la trajectoire globale de résorption du déficit, sous peine de l’aggraver et de nous rendre encore plus dépendants de ce fameux marché à la loi d’airain.

Ni coût, ni investissement, le système de santé est avant tout l’expression des valeurs d’une société.

Il faudra un jour revenir à ces fondamentaux, qui sont au cœur de notre système, le vrai système, celui d’êtres humains résolument déterminés à faire route ensemble à travers les vicissitudes du monde et de l’existence.

T.B.

ReGard Citoyen N° 8 – Jeudi 2 Novembre 2023

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