Cet élément fondamental de la démocratie sera-t-il bientôt l’objet des bons soins du « secourisme inversé » permettant d’envoyer les mourants ad patres en toute bonne conscience bienveillante, inclusive et citoyenne ?
Saine limitation ou censure, une frontière ténue
En ces temps troubles et agités, il peut être légitime de se demander sous quels contours on définit la liberté d’expression et si elle doit ou non avoir des limites, tout autant que comment on détermine ces mêmes limites.
La censure peut être utile pour maintenir la sécurité nationale (par exemple en temps de guerre) ou la paix sociale (par exemple en interdisant l’incitation à la haine ou à la violence), mais la frontière entre une censure « saine » et nécessaire parfois, et celle qui entrave les libertés fondamentales peut être fragile et ténue.
Même Robespierre
Le Premier amendement Américain dispose que « le Congrès ne fera aucune loi qui touche à l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de parole ou de la presse, ou le droit qu’a un peuple de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre ». Cela inspirera fortement Robes-pierre qui soulignait que « le droit de communiquer ses pensées, par la parole, par l’écriture ou par l’impression, ne peut être gêné ni limité en aucune manière ; voilà les termes de la loi que les États-Unis d’Amérique ont faite sur la liberté de la presse, et j’avoue que je suis bien aise de pou-voir présenter mon opinion, sous de pareils auspices, à ceux qui auraient été tentés de la trouver extraordinaire ou exagérée. La liberté de la presse doit être entière et indéfinie, ou elle n’existe pas ». Il est quand même très singulier que Robespierre ait écrit cela, quand on sait comment la Terreur qui suivi a géré cette fameuse liberté d’expression !
Science, Religion, et Religion de la Science
Aujourd’hui, on peut observer par exemple que le traitement réservé à E. Snowden et J. Assange nous laisse dubitatifs, tout autant que les censures subies par des soignants ou chercheurs renommés pendant la crise sanitaire mondiale ne sont pas sans rappeler les heures les plus sombres de notre histoire. S’il y a controverse sur le plan médical ou scientifique, au nom de quoi censure-t-on certains, car la Science elle-même se nourrit des controverses, débats et avis différents. D’autre part, il n’y a pas à censurer qui que ce soit, mais on doit pouvoir contredire avec des arguments étayés les affirmations de part et d’autre, sinon de quelle « science » parle-t-on, surtout quand on en est réduit à prétendre qu’on doit « croire en la Science » ? C’est précisément l’opposé d’une croyance, la Science se démontre, se prouve, s’explique, on peut justifier ainsi le moindre de ses arguments avec des faits, des chiffres, des données…
Hormis les restrictions pour interdire l’incitation à la haine ou à la violence (interdiction d’insulter ou diffamer qui que ce soit), la liberté d’expression si revendiquée (voire les slogans « Je Suis Charlie ») semble bien mise à mal en tous cas en France. On en arrive jusqu’à vouloir faire taire ceux qui, par exemple, contestent les déviances de l’éducation sexuelle imprégnée du wokisme, promue par divers ministères, notamment les aspects ayant trait à la théorie du genre. On constate malheureusement qu’à plusieurs reprises des personnes chargées de cet enseignement font du prosélytisme basé sur les pratiques adultes. Pour les très jeunes enfants, ces détails les effraient et les traumatisent ; ceci représente pour de nombre d’entre eux un véritable viol psychique, et il est sain et évident que les parents s’en inquiètent.
Sans attendre d’être en Corée du Nord
Il y a ainsi une tendance inquiétante à refuser de débattre ou à tenter de museler ceux qui auraient une opinion qui ne plairait pas à certains, ce qui est proprement opposé au principe pourtant essentiel de cette liberté si fondamentale qu’est la liberté d’expression. Tout gouvernement ou autorité qui chercherait ainsi à entraver cette liberté frayerait dangereusement avec des actes dignes des pays les plus autoritaires ou liberticides qui soient. Il n’est donc pas recevable cet argument élimé du « vous devriez aller vivre en Corée du Nord », car il n’est pas nécessaire d’attendre d’être en dictature pour lutter de toutes nos forces contre les prémices des atteintes aux libertés fondamentales.
S.G.
Pour aller plus loin : https://books.openedition.org/pupvd/2786?lang=fr