Le bruit des casseroles semble devenu illégal en France.
Face à leur vacarme monte crescendo une petite musique bien mieux organisée mais bien moins sympathique : les manifestants sont, dans l’ordre, idiots, irresponsables, et enfin, irrécupérables. Il convient donc de les réduire au silence, littéralement, par des arrêtés interdisant les « dispositifs sonores ». Si la loi interdit le bruit, il devient soudain beaucoup plus facile aussi bien d’édicter des ordres moralement condamnables que de les exécuter. Et les manifestants sont priés de défiler sans leurs bouches. Il s’agit bien d’un dispositif sonore, n’est-ce pas ? Et tout est légal.
Mais légalité n’est pas légitimité.
La légalité est le respect de règles communes que l’on appelle les lois. La légitimité, elle, repose sur une conformité à des valeurs. Les valeurs priment sur les règles, qui doivent les incarner. La noblesse dans le respect des lois tient alors à ce que l’individu peut parfois faire fi de son intérêt immédiat, au profit de l’intérêt général, parce qu’il adhère à des valeurs communes. En un mot : le civisme. Ce qui n’a rien à voir avec le fait de faire silence au passage d’un ministre. Et pourquoi une profonde révérence, tant qu’on y est ! Ce subtil équilibre entre bien commun et intérêt individuel, entre le nécessaire et le légitime, issu de la réflexion profonde des Lumières, a été forgé dans les tourments de l’histoire au cours des deux siècles suivants.
« Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi. Mais elle doit être loi parce qu’elle est juste »
Montesquieu
Montesquieu exprime avec clarté et concision ce principe. Nous devons nous le réapproprier et le rappeler avec force à ceux qui nous dirigent. Certes, nous leur en avons donné mandat, mais mandat ne vaut pas blanc-seing. Dans les années 40 comme aujourd’hui, nous avons le devoir de proclamer qu’inscrire dans la loi des dispositions discriminatoires et attentatoires à la liberté d’expression est illégitime.
T.B.